J6 : l'étape


23 km

Départ de Langoiran : 14 h 

Arrivée  Bordeaux : 16 h 30

Vendredi 16 juin 2018, dernière étape. La plus courte mais certainement la plus chargée en émotions.


9h: Le temps est mauvais, le ciel gris, il pleut, mais le vent s'est calmé. Nous profitons de la matinée pour récupérer, échanger nos anecdotes et nous préparer aux émotions qui nous attendent. Nous le savons. Mais il nous faut attendre que le jusant nous accompagne jusqu'à notre rendez-vous avec la Fête et les Grands Voiliers. Nous allons quitter la campagne pour arriver en ville. La ville et ses dangers. Pour des frêles embarcations comme des kayaks ou des canoës, le Pont de Pierre est un passage délicat, qui ne s'improvise pas. Nous le redoutons et nous connaissons les paramètres. Il faut d'abord tenir compte de la marée, de son coefficient, de la présence d'hydroliennes, du trafic maritime en pleine Fête du Fleuve et de l'occupation des quais. Nous avons bien à l'esprit que les conditions du jour vont rendre ce passage dangereux. Le coefficient est de 109, la Garonne est haute et puissante, elle charie beaucoup de troncs et derrière les arches du Pont les berges sont pleines de pontons et les pontons pleins  de voiliers. 

Des marmites nous attendent.  Ce sont de forts remous dus à la différence de plusieurs mètres de profondeur entre l'amont et l'aval du pont, dont les piles favorisent l'accumulation d'alluvions. 

Les Marins de La Lune, locaux de l'étape,vont nous servir de guide. Il seront en Stand Up Paddle (SUP) avec nous. 


13h30: Christophe Mora en tête se joint au briefing du dernier départ. Tout le monde est très attentif, concentré, prêt. La pression et l'excitation sont au plus haut. Nous allons devoir une nouvelle fois nous hisser à la hauteur de ce qui nous attend. Nos sentiments sont partagés entre l'appréhension du danger, la sérénité qui s'est installée au sein d'un groupe responsable et solidaire, la joie de vivre une nouvelle journée d'aventure ensemble, et la tristesse de savoir que c'est la dernière.


14h: Nous quittons Langoiran avec comme consigne de naviguer en unité marine jusqu'aux travaux du pont Simone Weil. 

L'ambiance est détendue mais l'excitation nous gagne à l'approche de la ville. Ces derniers kilomètres vont marqués en nous des souvenirs profonds, nous le comprenons dans nos regards. Ces instants sont intenses. Dans des conditions difficiles, qui nous ont mis à l'épreuve depuis le départ, nous avons fait preuve de sagesse en prenant des décisions, parfois contrariantes, mais toujours prudentes et responsables. 


Un groupe d'aventuriers libres s'est formé. 

Nous nous sentons forts du chemin parcouru et fragiles face à la dernière épreuve que nous réservent les éléments, face aux géant des mers que nous allons croiser. 

Chacun de nous s'est lancé dans cette aventure avec des peurs légitimes, et la farouche envie de se dépasser, physiquement d'abord et puis de se mesurer à une nature imprévisible et un peu rude cette année. Nous avions tous la secrète espérance qu'il se passe quelque-chose qui nous change un peu. 


Cette  aventure aura changé le regard de chacun d'entre nous. Celui que nous porterons depuis un pont en franchissant un fleuve, ne sera plus jamais le même. 


Nous ne sommes pas partis loin et pourtant le voyage a été immense.


16h: Le pont Simone Weil est déjà là et un bateau de la sécurité de Bordeaux Fête le Vin, vient à notre rencontre. Il porte les dernières consignes. Nous passerons le pont entre la 4° et la 5° arche rive droite, au milieu des marmites qui sont bien présentes. Hors de question de passer plus près de la berge, à cause des pontons chargés de voiliers. Les seaguards seront présents pour nous sécuriser au besoin. 

Des seaguards !? Nous ne savons pas si nous devons être rassurés ou inquiets. Nous revoilà rechargés un peu plus en émotion. Le Pont de Pierre se rapproche, les appareils photos sont rangés (tant pis pour la photo), deux mains ne seront pas de trop pour négocier ce passage. 

Les arches se dessinent au dessus de nos têtes et le comité d'accueil est impressionnant. Des bateaux de sécurité, les jets-skis  des seaguards, ça fait tout d'un coup beaucoup de gilets fluos sur l'eau. 


Les premiers SUP passent. 1, 2, puis 3. Chutes! Chacun son tour comme convenu, on vise le centre de l'arche, concentrés sur nos gestes pour ne pas commettre de faute. Puis tout va très vite, un premier kayak passe, puis un second qui se retourne, pareil pour les suivants qui se font retourner suivant la force des marmites.  C'est la confusion, il y a du monde à l'eau. 

Les jours de pratique qui ont précédés et notre préparation nous ont donné les bons réflexes et nous permettent de restés calmes et concentrés, même pour ceux qui sont à l'eau. 

En quelques secondes les seaguards interviennent pour sécuriser la zone, et déjà nous sommes presque au niveau des pontons quand ceux qui ont plongé remontent dans leur kayak ou leur canoë. 


Tout le monde terminera le voyage dans son bateau. Certains au sec, ébahis par la majestueuse grandeur des Grands Voiliers dont les coques ne sont qu'à quelques mètres. D'autres mouillés et hagards d'avoir été choisis par la Garonne pour être renversés. A peine le temps de flâner un peu en centre ville, et de se rapprocher des coques rive gauche qu'il faut déjà reformer une file pour rejoindre la rive droite et la cale des Chantiers de la Garonne avant la renverse attendue dans moins d'une demie-heure. 


La miole chargée des tonnelets qui n'aura pas connu les péripéties du franchissement du Pont de Pierre, peut enfin commencer à aiguiser la curiosité des équipages des Grands Voiliers en paradant à son tour dans le Port de la Lune. Fièrement, elle prendra sa place au coeur de la Fête du Vin et y connaîtra son petit succès pendant 48 heures jours sur le ponton d'Honneur!


16h30: Rive droite, dernière sortie qui signe l'arrivée des aventuriers. Une fin riche en émotions. Les proches qui ont pour certains assistés à des baignades forcées depuis le Pont de Pierre, sont très émus et impressionnés. Nous aurons le temps de faire retomber la pression, mais pour l'heure les regards sont intenses. Chacun se cherche pour partager une dernière accolade, pour marquer d'un geste la fin d'un chapitre. 


Après un dernier "écrémage" (retirer la crème boueuse), le chargement des bateaux sur les remorques, vient le temps de la douche qui marque le retour à la vie normale.

Notre vie sociale reprend, avec les proches que l'on retrouve après 6 jours autour d'un buffet. agrémenté de vins du Haut-Pays et de Bordeaux biologiques, de la musique et enfin d'un feu d'artifice. 


Nos amis ostéopathes de Bord'Ostéo auront pu constater des bienfaits sur nos organismes de 6 jours de navigation. A part une ou deux contractures à résorber, aucun bobo à constater. 


Certains iront retrouver leur lit, d'autres une cabine dans un voilier, et d'autres encore choisiront un dernier bivouac au bord de la Garonne. 


Demain fera place à d'autres émotions, nous avons rendez-vous avec une autre Histoire !